Démystifier la planification minière stochastique : une approche plus intelligente face à l’incertitude minière
Lors de la convention 2025 de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs (PDAC) – le principal événement mondial dédié à l’exploration minérale et à l’industrie minière – KPI Mining Solutions a participé à la session technique intitulée Level Up Your Project Reserves Against Uncertainty and Risks. L’un des sujets clés que nous avons abordés concernait une idée reçue fréquente : qu’est-ce que la planification minière stochastique, au juste ?
Le mot « stochastique » peut paraître intimidant, surtout pour les investisseurs et les professionnels issus d’autres disciplines de l’ingénierie. Pourtant, le concept qui le sous-tend est à la fois puissant et essentiel pour prendre de meilleures décisions dans le secteur minier.
Le problème avec la planification minière traditionnelle
Dans la majorité des entreprises minières, les décisions reposent sur une prévision unique et attendue – un chiffre fixe pour les flux de trésorerie, les tonnages, les teneurs, le débit de traitement et les métaux récupérés. Cette approche simple comporte toutefois de sérieuses limites.
L’incertitude géologique influence de manière unique le secteur minier. Comme l’a souligné Jean-Michel Rendu [1] :
« La principale différence entre le risque minier et celui des projets dans d’autres secteurs tient à la composante géologique. La géologie détermine l’emplacement des gisements, leurs propriétés, s’ils peuvent être exploités en toute sécurité, et si les minéraux de valeur économique peuvent être extraits de façon rentable. »
Peu importe le nombre de forages réalisés, la connaissance complète d’un gisement reste inatteignable. Même les données de contrôle de la teneur recueillies pendant l’exploitation ne suffisent pas à éliminer l’incertitude. En plus, la volatilité des prix des métaux, les variations de récupération, la performance des équipements et les aléas opérationnels introduisent encore plus de variabilité.
Pourquoi la pensée déterministe est insuffisante
De nombreuses études confirment que s’appuyer sur un seul modèle de ressource estimé – une approche déterministe – constitue une source majeure de risque technique. En supposant qu’une prévision unique soit exacte, les sociétés minières s’exposent à des pertes inattendues, à des occasions manquées et à de mauvaises décisions d’investissement.
L’avantage de la planification minière stochastique
La planification stochastique tient compte de l’incertitude au lieu de l’ignorer. Plutôt que de s’en remettre à un résultat fixe, elle utilise des distributions de probabilité pour envisager plusieurs scénarios possibles. Comme le dit le proverbe :
« Il vaut mieux avoir à peu près raison que précisément tort. »
Puisqu’il est impossible de connaître la vérité absolue sur un gisement, les prévisions probabilistes offrent des perspectives plus réalistes et mieux informées sur le risque. Contrairement aux modèles déterministes traditionnels, la planification minière stochastique permet de visualiser l’ensemble des résultats possibles.

Ce que la planification stochastique n’est pas
Depuis plusieurs décennies, les simulations géostatistiques sont reconnues comme une méthode supérieure pour modéliser les gisements miniers comparativement aux techniques traditionnelles comme le krigeage (voir études). Ces simulations préservent les caractéristiques spatiales des gisements – comme la distribution des teneurs et la variabilité – tout en quantifiant l’incertitude.
Cependant, disposer de modèles de ressources améliorés n’est qu’un point de départ. De nombreux professionnels de l’industrie se posent encore les questions suivantes :
- Que faire de ces simulations ?
- Comment les intégrer dans la planification minière ?
- Quel est leur impact sur l’ordonnancement de la production et l’évaluation des projets ?
Idées reçues courantes sur la planification minière stochastique
Malgré ses avantages, de nombreuses personnes ne comprennent pas bien comment appliquer les approches stochastiques. Voici cinq idées fausses que nous rencontrons souvent :
« Prenons la moyenne des simulations »

Une erreur fréquente consiste à moyenner toutes les simulations pour produire un seul modèle. Cela donne une version « lissée » de la réalité, éliminant la variabilité et nous ramenant à une pensée déterministe. Le modèle de type E, comme le krigeage traditionnel, néglige l’incertitude et peut être très trompeur.
« Créons une conception minière et un échéancier pour chaque simulation »

Une autre erreur consiste à générer un plan minier distinct pour chaque simulation. Résultat : des plans contradictoires sans stratégie d’exécution claire. Les opérations minières ont besoin d’un plan robuste, pas de cinquante concurrents.
« Utilisons les simulations pour calculer des probabilités pour chaque bloc »

Les approches probabilistes apportent des perspectives utiles, mais elles ne suffisent pas à intégrer pleinement l’incertitude. Elles tendent à :
- Réduire les simulations à de simples métriques de probabilité.
- Définir les teneurs de coupure à l’avance au lieu de les optimiser dynamiquement.
- Ignorer les stratégies de mélange, pourtant essentielles à la maximisation de la valeur.
- Continuer à s’appuyer sur des modèles déterministes au niveau du bloc.
Comment fonctionne la planification minière stochastique
Peut-on générer un seul plan de production en tenant compte de toutes les simulations à la fois ?

Oui – c’est précisément ce que permet la planification minière stochastique.
La clé est d’intégrer directement l’incertitude dans la conception et l’ordonnancement minier. Plutôt que de faire la moyenne des simulations ou de produire des plans contradictoires, l’optimisation stochastique génère un seul plan robuste, capable de s’adapter à l’ensemble des scénarios.
Les prévisions ne se limitent pas à une estimation unique : elles incluent des plages probabilistes pour les flux de trésorerie, les tonnages, les teneurs, les métaux récupérés, les stériles, etc. Cela permet aux entreprises de prendre des décisions mieux éclairées et plus conscientes du risque.
Maximiser la valeur grâce à l’optimisation stochastique
L’optimisation stochastique dans la planification minière poursuit deux grands objectifs :

Maximiser la valeur actuelle nette (VAN)
Les méthodes traditionnelles supposent que chaque bloc est exploité indépendamment avec une destination prédéfinie. Elles optimisent les flux de trésorerie actualisés en fonction des ventes, tout en minimisant les coûts opérationnels, les dépenses d’investissement (CAPEX), etc.
Mais cette approche conduit souvent à des décisions sous-optimales. L’optimisation stochastique maximise la valeur sur l’ensemble de la chaîne de valeur minière, et non à l’échelle du bloc.
Gérer le risque
La gestion du risque comprend deux volets :
- Minimiser les écarts par rapport aux cibles de production : s’assurer que les contraintes sur les tonnages, les teneurs et les récupérations sont respectées pour chaque période.
- Reporter les zones les plus risquées : prioriser les zones à faible risque dans les premières années pour assurer un retour rapide sur investissement et permettre l’affinement géologique des zones complexes.
Cette approche permet d’élaborer un échéancier minier résilient et à forte valeur ajoutée, en anticipant l’incertitude plutôt que de la subir.
Démystifier un autre mythe : « Il faut minimiser la variance des indicateurs de production »
Certains pensent que la planification stochastique vise à minimiser la variance de la production. Mais cela peut nuire à la rentabilité. Minimiser la variance revient à pénaliser les zones à haute teneur, ce qui donne un plan sous-optimal. L’objectif réel est de respecter les cibles tout en gardant une flexibilité pour maximiser les profits.
La valeur prouvée de la planification stochastique
Chez KPI Mining Solutions, nous avons constaté directement l’impact transformateur de cette approche dans divers projets. Nos observations concordent avec les recherches du laboratoire COSMO de planification minière stochastique à l’Université McGill [2].

Les avantages clés incluent :
- Des échéanciers physiquement différents, optimisés pour dégager de la valeur cachée.
- Une VAN plus élevée qu’avec les méthodes classiques.
- Une récupération accrue de métal grâce à une meilleure modélisation des zones à haute teneur.
- Une réduction des stériles et résidus par une optimisation des teneurs de coupure.
- Une quantification du risque plus poussée, permettant des comparaisons d’actifs miniers avec les percentiles P10, P50 et P90 – couramment utilisés dans le secteur pétrolier.
- P50 : valeur la plus probable.
- P10 et P90 : intervalle de probabilité de 80 %, représentant les scénarios pessimistes et optimistes.
Cette approche offre un cadre décisionnel plus robuste, avec des perspectives de réussite ou d’échec que les méthodes classiques ne peuvent fournir.

Ce dernier point est particulièrement précieux pour les investisseurs. Plutôt que de se fier uniquement à une VAN, ils peuvent évaluer le potentiel à la hausse comme à la baisse d’un projet minier.
Conclusion
La planification minière stochastique n’est pas simplement une technique de modélisation avancée. C’est un changement de paradigme dans la manière dont les décisions sont prises dans le secteur minier. En générant un seul échéancier résilient face au risque, elle offre un cadre plus fiable pour la gestion des ressources et la planification des investissements.
Nous encourageons vivement les experts en modélisation des ressources et en planification minière à explorer cette approche, qui améliore la rentabilité tout en gérant mieux le risque. De même, les dirigeants devraient pousser leurs équipes techniques à l’adopter afin d’exploiter pleinement le potentiel de leurs actifs miniers.
Vous souhaitez en savoir plus? Contactez-nous pour discuter de la façon dont la planification minière stochastique peut améliorer votre projet minier. Parlons-en.
[1]
J.-M. Rendu, Risk management in evaluating mineral deposits. Englewood, Colorado, USA: Society for Mining, Metallurgy & Exploration, 2017.
[2]
R. Dimitrakopoulos and A. Lamghari, “Simultaneous stochastic optimization of mining complexes – mineral value chains: An overview of concepts, examples, and comparisons,” Int. J. Mining, Reclam. Environ., vol. April, no. 3, pp. 1–18, 2022, doi: 10.1007/s11004-017-9680-3.